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mardi 3 avril 2018

T1833/14 : l'usage antérieur doit être reproductible


Selon l'Opposante, le produit Rigidex®P450xHP60, commercialisé avant le dépôt du brevet en cause, privait de nouveauté la composition de polypropylène revendiquée.

La Chambre rappelle que selon l'avis G1/92, la composition chimique d'un produit fait partie de l'état de la technique dès lors que ce produit en tant que tel est accessible au public et qu'il peut être analysé et reproduit par l'homme du métier, indépendamment de la question de savoir s'il est possible de déceler des raisons particulières pour analyser cette composition.

Le point 1.4 de l'avis précise même : "Tout enseignement technique a essentiellement pour objet de permettre à l'homme du métier de fabriquer ou d'utiliser un produit donné en appliquant cet enseignement. Lorsque celui-ci découle d'un produit mis sur le marché, l'homme du métier doit compter sur ses connaissances techniques générales pour réunir toutes les informations lui permettant de préparer ledit produit. Si l'homme du métier parvient à découvrir la composition ou la structure interne du produit et à la reproduire sans difficulté excessive, alors le produit et sa composition ou sa structure interne sont compris dans l'état de la technique."

Dans le cas d'espèce, il est connu que dans le domaine des polymères, les conditions de préparation ont une influence significative sur les propriétés du produit obtenu. Dans ce domaine, où il est fréquent de caractériser les produits au moyen de paramètres, les exigences de suffisance de description sont analysées avec beaucoup d'attention, et ne sont considérées comme satisfaites que si le brevet divulgue la méthode de préparation. Le même critère doit s'appliquer au cas des produits mis sur le marché.

La Chambre juge que la simple mise à disposition du produit Rigidex®P450xHP60 était insuffisante pour que l'homme du métier soit capable de le fabriquer.
En conséquence, un échantillon de ce produit ne peut appartenir à l'état de la technique selon l'article 54(2) CBE.

A l'Opposante qui trouve choquant qu'un produit accessible au public ne puisse être considéré comme destructeur de nouveauté, la Chambre rétorque que l'avis G1/92 a été suivi dans de nombreuses décisions.



Décision T1833/14
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14 comments:

Robin a dit…

Cette décision met un bémol à G 1/92, qui est cependant justifié dans le cas d'espèce. Le nombre de paramètres dont il doit être tenu compte est tel qu'il n'est pas possible de savoir par où commencer.

Ce n'est parce qu'un produit est mis sur le marché, sous une marque ou non, et qu'il soit analysable, qu'il appartient à l'art antérieur s'il n'est pas reproductible.

Un document de l'état de la technique n'est opposable que s'il est reproductible, rien de bien nouveau sous le soleil!

Ce cas est fort rare, mais doit être accepté.

Anonyme a dit…

Pour moi cette décision et G1/92 sont contraires à la lettre de l'article 54. Si un produit est accessible au public, il fait partie de l'état de la technique. Pourquoi rajouter cette condition de reproductibilité par l'homme du métier ?

Boris a dit…

Oui, la question de la reproductibilité ne se pose pas; au pire si l'homme du métier ne sait pas reproduire il achète le produit. Le cas d'une publication est différent, car là on n'est pas sûr que le produit est effectivement réalisable. Avec ce genre de décisions on peut breveter des produits déjà dans le commerce c'est quand même aberrant.

Anonyme a dit…


Je ne suis pas d'accord avec l'analogie avec les documents faite par Robin. Un document peut décrire quelque chose de totalement théorique, et si ce n'est pas faisable, ça ne fait pas partie de l'état de la technique.
Au contraire un produit commercial, ce n'est pas théorique, on sait faire, au moins le fabriquant du produit en question.
L'article 54 mentionne "tout ce qui a été rendu accessible au public", donc ça devrait inclure aussi un produit commercial.

Gros poisson a dit…

Oui, je pense effectivement que la chambre, dans cette décision T1833/14, a très largement extrapolé l'enseignement de G1/92, pour lui faire dire des choses qu'elle ne disait pas, et en l'appliquant en plus à un cas très spécifique.

En effet, le point 2.1 de la G1/92 elle-même dit:
"L'introduction d'une telle condition supplémentaire [NdA: une "raison" d'analyser le produit] aurait pour effet de retirer du domaine public un produit commercialement accessible et reproductible.

Cela reviendrait à dévier sans fondement des principes appliqués aux autres sources de l'état de la technique défini à l'article 54(2) CBE"

Il est donc clair que G1/92 ne se prononce que sur la notion de "raison" pour initier l'étude du produit. Elle ne se prononce pas explicitement sur le critère de "reproductibilité"... Encore moins de reproductibilité d'un produit commercialisé (qui est par définition mis à disposition du public, cela devrait aller sans dire).

Robin a dit…

Il convient de rappeler que l'exergue de G 1/92 précise que: "I. La composition chimique d'un produit fait partie de l'état de la technique dès lors que ce produit en tant que tel est accessible au public et qu'il peut être analysé ET REPRODUIT par l'homme du métier, indépendamment de la question de savoir s'il est possible de déceler des raisons particulières pour analyser cette composition." Le simple fait de mettre en vente le produit s'il ne peut pas être reproduit ne sert pas à grand chose.

Pour moi la situation est similaire à celle décrite dans G-VI, 4 ou G-IV, 2. La formule peut être connue, et donc le produit même connu, mais si les substances de départ et les réactifs ne sont pas connus alors ce produit ne fait pas partie de l'art antérieur selon l'Art 54(2). Quelle est la différence de fond avec le cas d'espèce? Je n'en vois aucune.

Gros poisson a dit…

G-VI, 4. "De même, il est à noter qu'un composé chimique dont le nom ou la formule est mentionné dans un document de l'état de la technique..."

Cette partie des directives parle bien d'un "DOCUMENT". Or, ici, nous sommes carrément face à un produit concrètement commercialisé. Je ne crois pas que le BoA ait contesté ce point.

G-VI, 2. Cette partie parle des implicites et équivalents.

Pour ce qui est des substances de départ et des réactifs, je trouve effectivement que la remarque est pertinente. MAIS avec un bémol de taille: si je regarde le commentaire des Case Law (I.C.6.2.1.b), il s'agit plus de savoir si l'obtention du produit résulte d'un choix de réactifs dans une ou plusieurs listes.

Or, dans le cas présent, je crois que le BoA s'est simplement borné à savoir si c'était reproductible ou pas, et n'a pas à priori contesté que les polymères étaient les mêmes. Sauf erreur... :)

Robin a dit…

Que la formule soit écrite sur un bout de papier=dans un document, ou que la formule résulte d'une analyse d'un produit existant, ce qui est toujours possible, qu'elle est la différence si le produit selon la formule ne peut pas être obtenu ou reproduit?

Si l'homme du métier ne sait pas de quels éléments partir et quelles sont les conditions qui lui permettent d'aboutir au produit du marché, celui-ci ne pourra pas être considéré comme art antérieur selon l'Art 54(2): "L'état de la technique est constitué par TOUT ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen".

Le TOUT ne peut que se rapporter qu'à un objet/produit que l'homme du métier peut reproduire.

Il est certes difficile d'accepter qu'un produit qui se trouve sur le marché ne puisse pas être "fabriqué", puisque le produit existe effectivement.

Néanmoins si l'homme du métier ne peut pas reproduire le produit du marché, c.-à-d. qu'un tiers, qui est dans ce cas un homme du métier, ne puisse pas le fabriquer à son tour, rend le fait que le produit soit sur le marché caduc. Pour moi cela est logique et cohérent. G 1/92 ne dit rien d'autre et il n'est pas correct de s'arrêter à l'étape de l'analyse.

Après cette mise au point, je ne compte plus participer à un débat qui tourne en rond.

Anonyme a dit…


Débat intéressant quoiqu'il en soit. ça vaudrait la peine d'aller jeter un oeil aux travaux préparatoires de la CBE pour voir si le législateur s'est penché sur la possibilité de breveter un produit existant.

Anonyme a dit…

Donc, résumons...Une société X fabrique un produit A et le commercialise sans le breveter. Une société Y achète ce produit et fait une analyse de sa composition chimique. Il dépose et obtient un brevet sur la composition chimique du produit. Le produit déjà commercialisé n'intériorise pas le brevet et la société X qui a fabriqué le produit en premier (et continue de le fabriquer) est contrefacteur du brevet de la société Y.

Bravo Messieurs les Juges !

Anonyme a dit…

Consolons-nous; la société X pourra toujours évoquer en France la possession personnelle antérieure au titre de l'article L.613-7 CPI ;-)

Anonyme a dit…


Je préciserais :

Une société X fabrique un produit A et le commercialise sans le breveter et en gardant secret son procédé de fabrication.
Une société Y achète ce produit et fait une analyse de sa composition chimique. Il dépose et obtient un brevet sur la composition chimique du produit, dans lequel il décrit un procédé de fabrication. Le produit déjà commercialisé n'antériorise pas le brevet et la société X qui a fabriqué le produit en premier (et continue de le fabriquer) est contrefacteur du brevet de la société Y.

En fait, c'est le système du "first to teach the process"

Anonyme a dit…

Ou encore: la société Y décide finalement aussi de breveter le procédé de fabrication.

Du coup la société X réalise que çà couvre "son" procédé de fabrication du produit qu'elle vend depuis 20 ans. Elle se fait assigner, et tente de faire valoir une possession antérieure.

Elle doit le prouver, mais comme c'est du savoir faire, et compte-tenu du libellé exact de la revendication. Il subsiste un doute sur l'interprétation d'un terme.

La société X argumente alors que c'est absurde, et rappelle que le produit est déjà commercialisé depuis 20 ans, et garde même des traces du procédé comme preuve indirecte.

Ce faisant, la société Y démontre que çà pouvait être produit par un autre procédé. Mais alors, elle démontre par l'absurde qu'il était possible de remonter à UN procédé de fabrication par analyse du produit.

Le juge n'y comprend plus rien et préfère aller à la pêche.

Anonyme a dit…

Donc, si j'extrapole, un produit naturel (par exemple extrait d'un végétal) ne saurait anticiper un produit de synthèse, et tomberait sous la portée d'une revendication de produit? (Ce fut le cas dans l'annulation des brevets sur l'aspirine il y a un siècle, si je ne m'abuse. Il fut établi que la substance avait déjà été isolée d'une variété de saule).

Mouais... Je pensais qu'on avait inventé les revendications procédé et la protection des produits obtenus par eux par l'article 64 précisément pour cette éventualité.

L'homme du métier aurait su obtenir la substance revendiquée à la date de priorité en se présentant au bureau de vente du fabricant. Procédé d'obtention de [Rigidex®P450xHP60] caractérisé en une étape d'échange d'un chèque pour une quantité de la substance.

Je note que la décision renvoie à la figure de l'opposant son objection de suffisance de l'exposé (p. 10, alinéa b).

 
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